"Hydrogénases et O2"

Dans deux publications récemment acceptées dans Nature Chemical Biology et Proceedings of the National Academy of Sciences USA, des équipes du Laboratoire de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines (BIP) à l’Institut de Microbiologie de la Méditerranée, en remettant en question le mécanisme de sensibilité à l’O2 des hydrogénases à NiFe jusqu’alors accepté, ouvrent la voie vers la compréhension des bases moléculaires déterminant la sensibilité ou la tolérance à l’O2 de ces enzymes, et offrent de nouvelles perspectives quant à la conception d’hydrogénases d’intérêt fonctionnelles sous O2.

Les hydrogénases sont des métalloenzymes complexes qui catalysent l’oxydation réversible du H2 selon la réaction H2 <-> 2e- + 2H+. Une part importante de la littérature traite de leur inactivation par l’oxygène qui est un obstacle majeur pour leur utilisation dans des biopiles à combustibles, des cellules photoélectrochimiques ou des « fermes à hydrogène » qui exploitent des organismes photosynthétiques comme les algues ou les cyanobactéries.

L’étude de l’inactivation aérobie des hydrogénases à NiFe, qui oxydent et produisent du H2 au niveau d’un site actif contenant un Ni et un Fe, mobilise les efforts de nombreux laboratoires depuis plusieurs décennies car la meilleure connaissance de cette inactivation pourra inspirer l’ingénierie d’enzymes fonctionnelles sous O2. Depuis une bonne dizaine d’années, un mécanisme basé sur des études structurales et électrochimiques est globalement accepté : l’O2 diffuse par un canal au niveau du site actif où il est partiellement ou complètement réduit, ces formes partiellement ou complètement réduites de l’O2 sont alors capturées par le site actif et forment un ligand oxygéné pontant le Ni et le Fe. Il y a ainsi deux états inactifs : NiA dont le ligand serait un groupement peroxo (HOO-) et NiB (ligand hydroxo OH-).

Plusieurs équipes du BIP en collaboration avec un laboratoire espagnol du CSIC, ont démontré par une combinaison d’approches électrochimiques et spectroscopiques sur l’enzyme de Desulfovibrio fructosovorans que NiA et NiB peuvent être produits dans des conditions oxydantes indépendamment de la présence d’O2. Ceci remet en question la structure des états inactifs et le mécanisme d’inactivation par l’O2 qui ne jouerait qu’un rôle d’oxydant au niveau du site actif et pas de donneur d’atome d’oxygène.

D’autre part, le criblage électrochimique d’une grande série de mutants de cette hydrogénase a permis de montrer que la nature d’un résidu à proximité du site actif influence la réaction de l’enzyme avec l’O2. La tolérance à l’O2 des mutants,  approchant pour certains celle d’enzymes à NiFe naturellement résistantes (trouvées dans Aquifex aeolicus par exemple), sont clairement reliées à la vitesse de réactivation des états inactifs de l’enzyme.

Bibliographie :

 

Abbas Abou Hamdan, Bénédicte Burlat, Oscar Gutiérrez-Sanz, Pierre-Pol Liebgott, Carole Baffert, Antonio L. De Lacey, Marc Rousset, Bruno Guigliarelli, Christophe Léger, and Sébastien Dementin.

O2-independent formation of the inactive states of NiFe hydrogenase (2012) Nature Chemical Biology, doi: 10.1038/nchembio.1110

 

Abbas Abou Hamdan, Pierre-Pol Liebgott, Vincent Fourmond, Oscar Gutiérrez-Sanz, Antonio L. de Lacey, Pascale Infossi, Marc Rousset, Sébastien Dementin, and Christophe Léger .

Relation between anaerobic inactivation and oxygen tolerance in a large series of NiFe hydrogenase mutants (2012) Proceedings of the National Academy of Sciences USA, 109(49):19916-21, doi: 10.1073/pnas.1212258109

 

Contacts:

Sébastien Dementin dementin@imm.cnrs.fr, 0491164529

Christophe Léger

, 0491164529