Connexions bactériennes intimes au sein d'un biofilm

Pour coordonner leur motilité et leur développement, les bactéries d'un biofilm sont capables d'échanger des protéines et des lipides grâce à la formation d'une zone de contact cellulaire. En utilisant des techniques performantes d'imagerie, l'équipe de Tâm Mignot au Laboratoire de chimie bactérienne (CNRS/Aix-Marseille Université) est parvenue à visualiser ces échanges et à élucider les mécanismes de fusion membranaire qui en sont à l'origine. Ces travaux ont été publiés dans la revue eLIFE.

Longtemps considérées comme des organismes unicellulaires, les bactéries présentent des comportements multicellulaires complexes à l'origine de la formation de biofilms. Il est maintenant bien établi que les mécanismes de coopération entre les bactéries d'un même biofilm sont régulés par l'échange de signaux diffusibles. Ce processus appelé « quorum-sensing » permet de synchroniser temporellement et spatialement l'expression des gènes au sein de la communauté bactérienne.

Récemment, il est apparu que l'équilibre de la communauté bactérienne est également régulé par l'échange direct de toxines ou de protéines cytosoliques via des zones de contact entre les bactéries du biofilm. La bactérie sociale Myxococcus xanthus est notamment capable d'échanger avec ses voisines des protéines de la membrane externe pour réguler leur motilité et leur développement multicellulaire. Le mécanisme sous-jacent à ce phénomène demeurait cependant inconnu.

Pour lever le voile sur ce mécanisme, les chercheurs ont réalisé des images de bactéries individuelles. Ils ont ainsi mis en évidence que le transfert de protéines de membrane externe intervient suite à la fusion locale des membranes externes des bactéries en contact. Cette « synapse » de membrane externe, qui crée la continuité entre les deux membranes bactériennes, permet d'échanger de manière très efficace des protéines de membrane externe et des lipides par simple diffusion. Fait remarquable, et parce que la formation de la synapse a lieu lors de collisions au cours du mouvement des bactéries, des tubes de membranes externes sont également formés pour permettre l'échange de molécules à distance. Par ailleurs, les chercheurs ont observé que les bactéries déposent une grande quantité de vésicules de membrane externe lorsqu'elles se déplacent sur des surfaces. Il est donc possible que l'échange de matériel membranaire se face également par ce biais, puisque les bactéries en mouvement reconnaissent préférentiellement les traces laissées par d'autres bactéries.

L'échange de matériel de membrane externe, protéines et lipides, ne requiert que deux protéines de surface, TraA et TraB. Ces deux protéines ne sont pas conservées en dehors du groupe des Myxococcales. Il est néanmoins fort probable que d'autres bactéries à l'origine de biofilms présentent des récepteurs de surface similaires pour permettre la fusion des membranes et l'échange de matériel membranaire.

Figure : Deux bactéries connectées par un tube de membrane externe. © LCB, Adrien Ducret

En savoir plus

  • Direct live imaging of cell–cell protein transfer by transient outer membrane fusion in Myxococcus xanthus, Adrien Ducret, Betty Fleuchot, Ptissam Bergam, Tâm Mignot, eLIFE (2013), doi:10.7554/eLife.00868.

 

Contact chercheur

  • Tâm Mignot
    Laboratoire de chimie bactérienne (LCB)
    UMR7283 CNRS/Aix-Marseille Université
    Institut de microbiologie de la Méditerranée (IMM)
    31 Chemin Joseph Aiguier
    13402 Marseille Cedex 20