La guerre bactérienne

Dans leur environnement, les bactéries ne vivent pas seules. Différentes espèces cohabitent plus ou moins amicalement. Certaines bactéries sont capables d’utiliser un complexe protéique agissant comme une arbalète et leur permettant de tuer leur congénères afin d’améliorer leur accès aux nutriments ou leur permettant de coloniser efficacement une niche écologique. C’est ce que viennent de montrer des chercheurs du Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes Macromoléculaires (LISM) et du Laboratoire de Chimie Bactérienne (LCB) de l’Institut de Microbiologie de la Méditerranée. Ce travail a été publié le 01 Février 2013 dans la revue Cell Reports.

Il a longtemps été considéré que certaines bactéries n’avaient une action nocive que sur l’homme, les animaux ou les plantes. Récemment, il est devenu clair que les bactéries se combattent entre-elles afin de se stabiliser dans une niche, de la coloniser ou d’avoir un accès privilégié aux nutriments. En utilisant la bactérie pathogène Escherichia coli entero-agrégatif (EAEC), l’équipe d’Eric Cascales au Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes Macromoléculaires (LISM, CNRS/Aix-Marseille Université) ont observé que cette souche était capable d’inhiber la croissance d’une autre souche d’E. coli. En collaboration avec l’équipe de Tâm Mignot (LCB, CNRS) et de la plateforme de biophotonique dirigée par Leon Espinosa (LCB, CNRS), les chercheurs ont mis au point les conditions afin d’observer la compétition entre ces deux bactéries, la proie (E. coli) et la prédatrice (EAEC) par microscopie de fluorescence.

Les premières images ont rapidement montré que la proie était tuée par la bactérie prédatrice. Des expériences supplémentaires ont permis de démontrer que la mort de la proie nécessitait un contact étroit avec la prédatrice, suggérant que la prédatrice tuait la proie par l’injection d’une ou plusieurs toxines. En utilisant différentes souches prédatrices mutantes, les chercheurs ont identifié le Système de sécrétion de Type VI (SST6) codé par l’opéron sci2 comme nécessaire pour cibler et tuer la proie.

Le SST6 est un complexe multi-protéique qui s’assemble dans la cellule prédatrice et qui requiert 13 protéines différentes. Il est constitué de deux sous-complexes : un complexe ressemblant la queue contractile des bactériophages ancré dans l’enveloppe de la bactérie par un complexe de protéines membranaires (Fig. A). Le SST6 assemble une longue structure tubulaire dans le cytoplasme, composée d’un tube interne se terminant par une seringue et un tube externe, la gaine. Il est proposé que le SST6 agisse comme une arbalète : en se contractant, la gaine propulse le tube interne vers la bactérie cible (Fig. A). Dans cet article, les auteurs utilisent une protéine fusion entre le composant de la gaine et la green fluorescent protein (GFP) pour suivre l’assemblage et la contraction de la structure tubulaire. De manière intéressante, ils ont pu montrer une corrélation entre la dynamique de cette structure et la lyse de la cellule cible : en effet, la proie meurt dans les minutes suivant la contraction (Fig. B).

Ces images posent maintenant de nouvelles questions. Comment s’assemble ce complexe et comment sont régulés l’assemblage et la contraction de la gaine ? Quelles sont les toxines sécrétées par ce mécanisme ? 

Légende Figure

Figure : (A) Représentation schématique d’un système de sécrétion de type VI et de son mécanisme d’action. La gaine (rectangles bleus) s’assemble autour du tube interne (rectangles noirs). Une fois sous une forme allongée, la contraction de la gaine propulse le tube vers la cellule cible permettant de transporter des toxines. (B) La protéine assemblant la gaine est fusionnée à la Green Fluorescent Protein (GFP) permettant de visualiser l’assemblage et la contraction de cette gaine par microscopie de fluorescence dans la bactérie prédatrice. La contraction de la gaine conduit à la mort de la proie (bactéries rouges). © E. Cascales, LISM/ Cell Reports.

Bibliographie

Silverman J., Brunet Y.R., Cascales E., & Mougous J.D. (2012) Structure and Regulation of the Type VI secretion system. Ann. Rev. Microbiol. 66, 453-472.

Brunet Y.R., Espinosa L., Harchouni S., Mignot T, & Cascales E. (2013) Imaging Type VI secretion-mediated bacterial killing. Cell Rep. 3, 36-41.

 

Contacts

Eric Cascales :

(04.91.16.45.04)

Tâm Mignot :